Paper presented at the Islamist Protest, Terrorism and (In)Security in Africa Conference at the Institut des Relations Internationales du Cameroun (Yaoundé) on June 2nd, 2022.
Abstract
Au cours des dernières années, la détérioration de la situation sécuritaire au Sahel a laissé craindre à une extension du djihadisme aux pays côtiers du Golfe de Guinée. L’arrestation d’une vingtaine de présumés djihadistes sur le territoire togolais en avril 2019 et l’enlèvement de deux touristes français et la mort de leur guide dans le nord du Bénin le mois suivant ont alimenté ces inquiétudes. Bien qu’un nombre croissant de rapports et d’analyses traitent de la menace du salafisme et d’une « contagion » du djihadisme, les communautés musulmanes du Togo et du Bénin demeurent largement méconnues. Cette communication se penchera sur les conséquences de la sécuritisation de l’islam et plus particulièrement du salafisme sur les minorités musulmanes de ces deux pays. Elle s’appuie sur des enquêtes de terrain menés à Cotonou, Porto-Novo et Lomé (2019 et 2021) au cours desquels des entretiens ont été effectués auprès d’imams et de responsables des principales associations islamiques ainsi que sur le dépouillement de la presse généraliste.
J’avance, d’une part, que l’État peut invoquer la menace du « radicalisme islamique » pour justifier la répression envers des populations musulmanes et attirer la sympathie des pays occidentaux pour limiter leur pression pour des réformes démocratiques comme ce fut le cas au Togo durant la crise sociopolitique de 2017-2018. Cette méfiance envers l’islam n’est toutefois pas nouvelle alors que la crainte de l’« intégrisme islamique » dans les années 1990 avec les actions du Front Islamique du Salut en Algérie avait conduit le pouvoir en place à surveiller étroitement la Jeunesse Estudiantine Islamique de l’Université du Bénin à Lomé. D’autre part, je montre comment des élites musulmanes à la tête des organisations faîtières des deux pays – l’Union Musulmane du Togo et l’Union Islamique du Bénin – cherchent à utiliser la popularité des prêcheurs « salafi » formés dans les pays arabes ou venant des pays voisins auprès des jeunes comme épouvantail pour discréditer la « nouvelle » génération, qui critique de plus en plus ouvertement le leadership exercé par leurs ainés.