Le nouveau dynamisme du salafisme en Côte d'Ivoire: vers une radicalisation de l'islam ivoirien?

Abstract
En dépit d’un nombre croissant d’études sur l’islam en Côte d’Ivoire, relativement peu de recherches ont porté sur les derniers développements de la mouvance salafiste ou « wahhabite » dans ce pays. Cette communication se propose d’interroger l’évolution récente de cette tendance de l’islam en Côte d’Ivoire depuis les 25 dernières années à travers ses principaux leaders et associations. Les attaques terroristes perpétrées par des groupes djihadistes dans la sous-région et notamment celles à Grand-Bassam en mars 2016 ont considérablement influencé les perceptions liées au « salafisme » en réduisant souvent ce courant à la violence et aux conflits. Or, cette contribution souhaite aller au-delà d’une perspective sécuritaire et contre-terroriste réductrice en présentant un portrait plus nuancé d’une manifestation locale d’un mouvement mondial. Cette recherche s’appuie, d’une part, sur des données empiriques tirées d’une enquête de terrain conduite à Abidjan entre novembre 2014 et avril 2015 et, d’autre part, sur le dépouillement de la presse généraliste et islamique. Suivant une longue période de marasme entre 1981 et 1994, les responsables de l’Association des musulmans orthodoxes de Côte d’Ivoire (AMOCI), forts de la présence d’une nouvelle élite intellectuelle, cherchèrent à repartir sur de nouvelles bases à partir du début des années 1990 ce qui mena à la création de l’Association des musulmans sunnites de Côte d’Ivoire (AMSCI) en 1997. Au cours de cette décennie, le salafisme ivoirien passa de vues exclusivistes et intransigeantes envers les autres tendances de l’islam à des positions plus accommodantes et à un rapprochement avec le reste de la communauté musulmane. Préoccupées par la renaissance de leur mouvement, les élites salafistes restèrent en retrait des débats politiques liés à l’ivoirité au contraire des leaders d’autres associations musulmanes. Au tournant des années 2000, la poursuite du travail de redynamisation de l’islam salafiste passa par la participation accrue des jeunes et des femmes. Après avoir cherché à se rapprocher du reste de la communauté, leurs responsables cherchèrent à se repositionner sur la scène religieuse ivoirienne en affirmant leur leadership face au Conseil national islamique (CNI) et au Conseil supérieur des imams (COSIM). L’arrivée de Fadiga Moussa Al Farouk à la tête de l’AMSCI en 2007 fut déterminante. Elle s’accompagna par une décentralisation de leur action islamique marquée par une forte présence hors des centres urbains. L’émergence de nouvelles figures salafistes, dont des étudiants provenant du milieu francophone laïc, et la plus grande visibilité par le biais des médias illustrent bien leur dynamisme au cours des dix dernières années. Durant la décennie trouble des années 2000, les actions de l’AMSCI en faveur de la paix et de la réconciliation ainsi que son incursion dans l’arène du développement économique, social et éducatif se sont inscrites résolument dans leur volonté de se poser comme interlocuteur privilégié des musulmans avec le pouvoir. Ainsi, loin de s’être radicalisées en dépit de leur activisme croissant, les élites salafistes ivoiriennes et leurs principales associations ont fait preuve d’une participation citoyenne et légaliste dépourvue de violence tout en s’impliquant activement dans la lutte contre le radicalisme islamique.
Event: 10th International Conference of the Mande Studies Association (MANSA)
Location: International University of Grand-Bassam
Country: Côte d'Ivoire
Language: French
Year: 2017